Franc CFA, craintes de dévaluation / La polémique enfle autour du CFA fort

Publié le par conscience-eburnie



Quinze ans après la brutale dévaluation de 1994, une rumeur s’amplifie « Bercy préparerait une nouvelle dévaluation ».

  img_606X341_2303-euro-fund-portugal.jpgDans la crainte d’une nouvelle chute du franc CFA, à défaut de pouvoir fuir massivement vers des placements sécurisés, l’épargne s’investit, localement, de plus en plus dans des secteurs à faible risque comme l’immobilier qui connaît un boum extraordinaire. Certaines institutions internationales basées dans la zone n’ont plus de comptes locaux qu’en euro. Au début du mois de mai, le président Abdoulaye Wade du Sénégal, est revenu à la charge pour démentir cette rumeur persistante. Quant au président du Gabon, Omar Bongo Odimba, il avertit pour sa part : « Il faut être clair, si par malheur une autre dévaluation du CFA devait intervenir, je ferais tout pour que l’Afrique centrale et l’Afrique de l’Ouest abandonnent le franc CFA et créent leur propre monnaie »

La dévaluation du CFA fait débat. Depuis 2004, la valeur de l'euro s'est appréciée de 63 % face au dollar. En Afrique de l'ouest et du centre dont la monnaie, le CFA, est liée à la monnaie européenne par une parité fixe, la côte d'alerte est atteinte.

Depuis 2004, la valeur de la monnaie européenne n'a pas cessé d'augmenterargent-cfa.jpg face au billet vert, passant de 0,83 à 1,31 dollar fin novembre 2006, pour atteindre 1,36 dollar en avril 2007. Pour les argentiers européens, il n'y a pas lieu de s'inquiéter. Le seuil critique étant encore loin. Par contre, l'on apprécie autrement ce bras de fer du côté des pays de l'Afrique de l'Ouest et du Centre dont la monnaie est liée à l'euro par une parité fixe. Dévaluer ou pas ? Les positions divergent en fonction des intérêts des uns et des autres.

Pour les argentiers européens, il n'y a pas lieu de s'inquiéter.

 

Facture pétrolière

Les partisans du statu quo font noter que l'ascendant de l'euro sur le dollar a, dans une certaine mesure, amorti l'impact de la flambée continue des cours du baril et abaissé le coût des importations payées en dollar. Les exportations de la Zone franc vers les pays de l'Union européenne -- plus 50% de ses échanges extérieurs, selon le FMI -- s'en trouvent normalement favorisées. Le service de la dette extérieure a aussi baissé, mécaniquement. Selon la Banque Africaine de Développement, la flambée des cours du brut a certes effacé une bonne partie du bénéfice des annulations de dette des pays de Zone CFA, mais cela aurait été pire sans la hausse de l'euro.

Importations facilitées

Toutefois, l'euro trop fort comporte également des conséquences négatives pour la Zone CFA. Le coût de la main-d'œuvre, déjà élevée en comparaison avec les pays asiatiques, en est artificiellement gonflé. Il encourage les importations, au détriment des productions locales, y compris l'importation de biens qui ne sont pas nécessairement indispensables. Les productions locales deviennent moins compétitives à l'exportation que celles concurrentes des pays hors zone euro. Il en est ainsi du coton béninois, de la banane camerounaise, du café ou du cacao ivoirien face aux produits analogues américains et latino-américains qui s'exportent en dollar et qui sont, de surcroît, subventionnés. Le revenu des exportations de matières premières africaines facturées en dollar affaibli diminue conséquemment.

Les « pro-dévaluation » invoquent aussi les difficultés des principales filières agricoles de la zone. Argument balayé par nombre d'experts africains qui estiment que leur fragilité et vulnérabilité sont bien plus à imputer à une récurrente mauvaise gestion, à la faible productivité, mais également aux subventions européennes et américaines.

Amadou Fall

 

 

Une si vieille histoire

Le franc CFA fait partie des 41 monnaies, pour la plupart non convertibles, en circulation sur le continent africain. En fait il n'y a pas un seul franc CFA mais deux. L'un, dénommé « franc de la Communauté Financière Africaine », est commun aux huit Etats de l'Union Economique et Monétaire de l'Afrique de l'Ouest (UEMOA) : Bénin, Burkina, Côte d'Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal et Togo. L'autre, appelé « franc de la Coopération Financière en Afrique Centrale », a cours entre les six pays de la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC) : Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée équatoriale et Tchad).

Gérée par deux banques centrales distinctes, la Banque Centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest pour l'UEMOA et la Banque Centrale des Etats de l'Afrique Centrale pour la CEMAC, chacune de ces unités monétaires est, depuis 1993, exclusivement utilisable dans sa zone d'émission. Depuis, les transferts légaux entre les deux régions se font uniquement par voie bancaire.

A l'origine, le franc CFA était le « franc des colonies françaises », une monnaie unique et commune à toutes les possessions françaises d'Afrique et de Madagascar. Elle avait été lancée le 26 décembre 1945, date de la première réforme monétaire française d'après-guerre. En 1958, son sens est modifié. CFA signifie désormais communautés françaises d'Afrique.

A l'aube de l'indépendance, en 1959, le franc colonial sera remplacé par les deux actuels francs CFA, comme signes de la nouvelle forme de coopération monétaire entre la France et ses anciennes colonies : mise en commun des réserves de change, garantie de convertibilité, parité fixe. Certains pays ont choisi, lors de l'indépendance ou après, de quitter la Zone franc : Algérie, Maroc, Tunisie, Mauritanie, Madagascar, Guinée. Le Mali l'a quittée en 1962 pour la réintégrer en 1984. La lusophone Guinée-Bissau l'a intégrée le 2 mai 1997.

Durant ses 62 années d'existence, le franc CFA a connu quatre temps forts. En 1948, avec la dévaluation du franc métropolitain, sa valeur est passée à 2 FF, contre 1,70 FF en 1945, soit une réévaluation de 17,65 %. En 1960, avec la création du nouveau franc ou «franc lourd » (1 NF = 100 anciens francs), le franc CFA a été maintenu dans sa valeur : 1 NF = 50 F CFA. Le 11 janvier 1994, il a été dévalué de 50 % par rapport au franc français : 1 NF = 100 F CFA. En 1999, avec la disparition du franc français et la création de la monnaie unique européenne, le franc CFA a été rattaché à l'euro selon la même parité fixe, la garantie de convertibilité étant toujours à la charge de l'État français : 1 euro = 655,957 F CFA.

Publié dans Politique - Economie

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